> Adhérer ! > Faire un don > Soumettre un litige en ligne

Déploiement de la 5G : Ne pas confondre vitesse et précipitation !

L’exécutif strasbourgeois a annoncé le 23 septembre dernier la tenue d’une conférence citoyenne pour débattre de la 5G. Son déploiement, en plus de poser de nombreuses questions sanitaires, environnementales, de protection des consommateurs et des données privées, devrait marquer à terme un tournant pour notre modèle industriel et sociétal (voitures autonomes, villes intelligentes, télémédecine…). Autant de raisons qui justifient la tenue d’un débat public, démocratique et donc d’un moratoire. C’était l’avis de la Conférence Citoyenne pour le Climat. C’est l’avis de l’UFC – Que Choisir,

Donner du temps au temps serait d’autant plus justifié que de nombreux arguments mettent en évidence l’absence d’urgence. L’évolution des infrastructures permettant à la 5G de réellement se démarquer de la 4G n’est pas attendue avant 2023. Ensuite, car la congestion des réseaux 4G n’est pas à craindre avant 2022, de l’aveu même des opérateurs. Du côté des entreprises, dont les besoins sont actuellement assurés par la wifi, l’urgence n’est pas non plus de mise selon Martin Bouygues, PDG du groupe Bouygues, dans une tribune dans le Figaro intitulée “La 5G n’est pas une urgence pour la France: repoussons l’attribution des fréquences”1. En outre, les progrès décisifs promis ( internet des objets, télémédecine, ville intelligente…) ne seront pas d’actualité avant de longues années. Les avancées attendues dans un futur proche permettront des avances plus futiles qu’utiles.

Quant aux pays où elle a été testée, elle n’a pour l’instant pas convaincu2. La 4G assure déjà une qualité de service vidéo jugée « bonne » à « excellente ». En outre, l’augmentation du débit n’est pas ressentie partout ni à plein ; certains utilisateurs doivent même couper la 5G sur leur mobile car la connexion passe trop de temps à faire l’aller-retour entre 4G et 5G, hachant la connexion. Parce qu’il devra aussi occuper plusieurs bandes de fréquence, le réseau mettra du temps à être déployé et ne le sera a priori pas partout, les zones peu peuplées ne répondant pas au modèle économique de cette techologie puissante mais de faible portée.

5G et risques sanitaires : une nécessaire attente des résultats de l’analyse de l’ANSES

Le déploiement de la 5G suscite une inquiétude grandissante sur les risques sanitaires associés à son exploitation, relayée par la Convention Citoyenne pour le climat. Si cette inquiétude peut parfois découler pour partie d’une préoccupation globale sur l’exposition aux ondes électromagnétiques, elle est surtout en lien avec l’exploitation spécifique de la bande de fréquences 3,5 GHz, dont les effets sur le vivant n’ont pas encore donné lieu à l’élaboration d’une littérature scientifique permettant d’éclairer utilement le débat public. Alors que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) doit publier au cours du premier trimestre 2021 son expertise permettant d’indiquer s’il existe ou non un risque sanitaire avéré lié à la 5G, il serait inacceptable que son exploitation commerciale puisse débuter avant.

5G et risques environnementaux : une augmentation de la consommation de données à réguler

La consommation de données induit une forte consommation électrique et a déjà été multipliée par près de 8 entre 2015 et 20193 ! Il convient de trouver des solutions concrètes permettant d’enrayer cette croissance jusqu’à présent non maîtrisée, à fortiori lorsque l’on sait que jusqu’à 80 % de la consommation de données est dû à la publicité4. L’efficacité énergétique promise par la 5G devrait rapidement être dépassée par les nouveaux services dispensables promis par cette nouvelle technologie, extrêmement vorace en consommation de données (Jeu en ligne, amélioration de la qualité de la vidéo à peine perceptible, réfrigérateurs connectés…). Sans compter l’absence totale de réflexion sur la fin de vie des téléphones et des millions d’objets connectés.

5G et pratiques commerciales : la DGCCRF doit contraindre les opérateurs à la vertu

Alors qu’actuellement le chemin vers une commercialisation de la 5G reste tracé, les risques de dérives marketing des opérateurs doivent dès à présent être empêchés par les pouvoirs publics. En effet, le terme générique « 5G » masque en réalité de fortes disparités, puisque les débits théoriques maximaux pourraient s’échelonner de 30 Mbit/s à 1 Gbit/s, selon la fréquence utilisée. Evidemment, le risque est que les opérateurs « survendent » la 5G pour pousser les consommateurs à souscrire de chers abonnements.

Alors que l’Autorité de régulation des télécoms (ARCEP) n’a pas jugé utile de participer activement à la prévention de ces dérives marketing3, la DGCCRF doit désormais prendre la main en encadrant strictement la communication commerciale des opérateurs. Par exemple, elle pourrait tout bonnement interdire qu’un opérateur puisse promouvoir dans des campagnes marketing locales une 5G aux débits mirifiques dans des zones où elle sera uniquement fournie via une fréquence ne permettant que des débits au mieux au niveau de la 4G !

 

Compte tenu des constats et inquiétudes liés au déploiement et à la commercialisation de la 5G, l’UFC-Que Choisir du Bas-Rhin soutient la tenue d’une conférence citoyenne au niveau local et demande également :

      1. Au Premier Ministre, de ne pas permettre la commercialisation d’offres 5G tant que les résultats de l’étude de l’ANSES sur les effets sanitaires liés à l’exposition aux champs électromagnétique de sa bande de fréquences 3,5 GHz ne seront pas connus ;

      1. A l’ARCEP, d’axer ses travaux, dans le cadre de sa plateforme « pour un numérique soutenable », sur le gaspillage de données mobiles causé par les professionnels (publicité imposée aux consommateurs, inutile surenchère technologique en termes de qualité d’affichage…) ;

      2. A la DGCCRF, d’anticiper une éventuelle commercialisation de la 5G en érigeant une réglementation préservant les consommateurs de dérives marketing par les opérateurs.

 

L’équipe UFC-Que Choisir